Un tsunami menace le continent Africain.

Ibuka Ndjoli
6 min readJun 13, 2018

Cela fait un moment que je n’ai pas écrit ici. Deux mois et vingt-trois jours pour être exact. Je traversais cette période étrange où l’on se demande si cela vaut encore la peine. Si ce qu’on fait a du sens pour d’autres que soi. J’ouvrais mon laptop, puis mon espace d’écriture, mais aucun mot ne voulait s’écrire. Pourtant, je bouillonnais d’idées, de choses à dire. J’écoute dernièrement des podcasts qui m’inspirent et dont j’ai envie de partager la sève, mais à quoi bon!

J’ai dernièrement été en Belgique pour y rencontrer la jeunesse bruxelloise. Si je n’ai pas été impressionné par ces talentueux jeunes qui m’ont été présentés, j’ai cependant été surpris de constater les opportunités qui leur sont offertes et dont ils ignorent parfois l’existence. Ces jeunes ont soif tout en étant entourés d’eaux claires et douces. Dans nos pays, ai-je pensé, il faut soi-même les créer, ses opportunités. Cela est peut-être une force, mais c’est aussi notre handicap.

A Bruxelles, avec des membres des équipes d’Ewala (startup) et Young Change Maker (startup sociale)

Si autant de jeunes veulent partir en Occident, c’est surtout pour cette raison. Ils sont à la recherche d’opportunités qu’ils ne trouvent pas dans leurs pays. Ces jeunes veulent travailler, subvenir aux besoins de leurs familles, faire le bonheur des leurs. Ils ne sont pas du tout paresseux. Ils ne cherchent pas tous la facilité. Ils veulent juste qu’il leur soit donnée la chance de prouver qu’ils valent plus que l’image négative qu’on a d’eux. Et ils cherchent, mais en vain.

A mon retour, je n’ai cessé de penser à cette question d’opportunités pour les jeunes. Quelle solution? Certes, c’est à nos Etats de les créer, mais que fait-on s’ils ne le font pas? En Afrique, 7 personnes sur 10 ont moins de 25 ans. Dans la grande majorité des pays d’Afrique, la jeunesse fait plus de la moitié de la population. Tous ces vieux au pouvoir vont passer l’arme à gauche tôt ou tard. Qu’adviendra-t-il de cette jeunesse, pratiquement livrée à elle-même, à qui on demande de se débrouiller pour se sortir des eaux troubles dans lesquelles elle a été mise ? J’ai des petits frères et soeurs, alors oui, je m’inquiète et j’ai peur.

Sur Twitter, où mon impact est plus important, j’ai fait une série de thread.

J’ai créé un formulaire pour recenser et recueillir les informations des jeunes en quête d’opportunités. Mon idée est de les connecter, en fonction de leurs compétences, aux personnes ou structures qui ont besoin des services qu’ils sont capables d’offrir. A ma grande surprise, ce sont des centaines de jeunes, de tous profils, qui se sont inscrits. Et les inscriptions se poursuivent. Cela montre à quel point ce besoin d’opportunités est criard.

Malheureusement, tous les jeunes n’ont pas eu l’occasion de développer des compétences qu’ils peuvent échanger contre de l’argent, et pour cause ; ni l’école, ni l’université les y aide. Conscient de cela, j’ai fait le thread suivant :

Mais il arrive également, et c’est d’ailleurs très souvent le cas, qu’en dépit des compétences acquises, certains jeunes ne parviennent pas à trouver du travail. Las de chercher un emploi dans des pays où toutes les statistiques montrent qu’il y a plus de demandeurs d’emplois que d’emplois disponibles, ces jeunes se retrouvent à glander chez eux ou à s’adonner à des activités ingrates. J’ai donc pensé qu’il pourrait être utile de partager avec eux quelques idées.

Ne pouvant oublier ces jeunes auxquels l’on fait croire que le leadership et l’entrepreneuriat sont les portes du succès, de la réussite financière etc, j’ai pensé à faire le thread suivant, basé sur ma propre expérience, pour expliquer pourquoi il ne faut pas avoir les titres de leader, entrepreneur, influenceur ou startupper pour objectif.

Il est aujourd’hui évident que l’école et l’université ont échoué quelque part. Je pense que c’est le système éducatif le problème, mais là n’est pas le sujet. La jeunesse désabusée à laquelle nous faisons face est un tsunami en formation. Nous avons vu avec le Printemps Arabe ce qu’elle peut devenir lorsqu’elle n’a plus rien à perdre. Nous courrons vers un grand danger en la laissant ainsi, tout en croyant qu’elle continuera d’accepter, sans réagir, ses conditions.

Il y a quelques jours, j’ai vu un enfant d’à peine 10 ans à tout casser voler dans une boutique un sac de lait de 25 Kilos. C’est un fait anodin, mais cela m’a fait penser à ces groupes d’enfants en RDC appelés les Kuluna, qui agressent et/ou tuent toutes les personnes qui croisent leur chemin. Je crains de le dire, mais à force, c’est vers cela que nous allons, car nos Etats sont en train de créer des frustrés, des révoltés, des jeunes qui n’ont et n’auront plus rien à perdre. Les derniers événements des Universités de Saint-Louis et de Dakar l’ont montré.

Le Centre Eulis à Abidjan

Dans le même temps, des jeunes se lèvent pour aider à empêcher ce tsunami. En Côte d’Ivoire, Tchonté Pitin Mireille Silué veut révolutionner l’Education. Elle a déjà mis la main à la pâte en créant le Centre Eulis, une bibliothèque où elle initie les enfants d’Abidjan à la lecture. Du côté du Bénin, Mylène Flicka, Marie Madeleine Akrota de son vrai nom, veut, avec le média IRAWO, révéler au monde les talents d’Afrique et, par la même occasion, donner à la jeunesse du continent des raisons de rêver grand, travailler dur et concrétiser ses rêves.

Il est certain que dans d’autres pays du continent, des jeunes se lèvent pour tenter d’apporter des solutions aux problèmes qu’ils constatent. Si je parle de Tchonté et Mylène, c’est parce que j’ai eu à les rencontrer, échanger avec elles, et comprendre ce qui les anime, leurs visions. Bien que je pense que l’âge n’est pas un argument, il est ici important de dire à quel point elles sont jeunes. Les chefs d’Etats de leurs pays devraient, à mon sens, les consulter afin de booster ce qu’elles font déjà avec brio, mais aussi et surtout écouter leurs propositions.

On a beau être animé des meilleures intentions du monde, sans soutien, il est difficile de tenir sur le long terme. Ces jeunes ont l’avantage d’avoir initié ce qui doit être fait. Elles connaissent leur cible et sont connues d’elles. Elles sont mieux placées que les soi-disant conseillers pour proposer des solutions qui répondent aux véritables besoins des leurs. C’est absurde de ne pas considérer ce qu’elles réalisent et collaborer avec elles pour booster leurs activités.

Il en va de même de tous ces jeunes qui se distinguent de par leurs initiatives. L’on doit écouter ce qu’ils ont à dire, à proposer. J’ai été peiné de voir qu’une personne comme Sobel Aziz Ngom, fondateur de Social Change Factory, ait été choisie comme modérateur d’un panel lors des dernières conférences sur l’Education qui ont eu lieu à Dakar. Sobel aurait dû être panéliste. Il devrait également être consulté par le Président Macky Sall pour toutes les questions liées à l’Education au Sénégal, comme Fary Ndao devrait être consulté pour celles liées au Pétrole. La Jeunesse Africaine a une voix qu’on devrait écouter.

Je m’inquiète car je sens déjà le vent souffler et les vagues se lever. Le tsunami est en train de se former pendant qu’on nous fait croire que nous sommes sur la voie de l’émergence, du développement, et que tout va bien car l’Afrique est en marche. Je m’inquiète car je sais qu’il ravagera tout sur son passage.

“A vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes.” John F. Kennedy

Je suis Ibuka Ndjoli, écrivain, entrepreneur, créateur de contenus et formateur en création de Business. Je partage mon expérience, mes réflexions ainsi que des astuces sur un blog que j’ai nommé Ibuka Sharing. Je suis également plus ou moins bavard sur Twitter. Suivez-moi => @ibukandjoli

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Ibuka Ndjoli

Author of 6 books | Founder of @kusomagroup | Passionate about Online Business, Education and Digital Marketing. I share my journey on https://ibukasharing.com