Comment ai-je presque foiré ma première start… euh… entreprise ?

Ibuka Ndjoli
8 min readNov 7, 2016
Photo by Clovis

Sans fausse modestie, j’étais super doué pour faire du business avant que je ne découvre ce truc que l’on appelle l’Entrepreneuriat. Jadis, chaque fois que je tombais sur un produit, quel qu’il fût, je me mettais aussitôt à réfléchir à la meilleure façon de le présenter et le (re)vendre afin de me faire de l’argent.

J’ai toujours su saisir les opportunités d’affaires ou les créer lorsqu’elles n’existaient pas. C’est ainsi que je vendrai à 100 dollars, soit 54.000F Cfa à l’époque, la réplique parfaite de la chemise ci-dessous, après un panel où j’avais été invité à intervenir. Le monsieur, tout en me serrant la main, m’avait dit qu’il trouvait belle ma chemise. J’ai aussitôt sauté sur l’occasion.

Aujourd’hui, grâce ou à cause de l’entrepreneuriat, je me surprends à ne plus penser exclusivement business. Je pense amélioration des expériences et des conditions de vie, innovation, disruption, bref, tout sauf à l’argent. Enfin, pas en premier en tout cas. C’est d’ailleurs ce qui sera ma toute première cruciale erreur en tant qu’entrepreneur. J’en ai commis d’autres avant elle, mais elles étaient aisément rattrapables et ne mettaient pas en danger la structure.

Leçon : Toujours penser au Business Model

Ma toute première start… enfin, entreprise se nomme Da Promoter Agency. Il s’agit d’une agence créée en 2012 qui s’est donnée pour mission de promouvoir les jeunes talents et entrepreneurs africains afin qu’ils puissent vivre (c’est-à-dire gagner de l’argent à partir) de leurs talents et entreprises.

A nos débuts, nous étions exclusivement une plateforme web qui présentait au monde, via des articles et interviews agrémentés d’images, d’audios et de vidéos, des jeunes talents du continent africain et leurs réalisations. Un peu comme ce que fait Irawo aujourd’hui pour les talents (étoiles) du Bénin.

Nous avions mis dès le départ les contours de notre champ d’action. Ne nous intéressaient que les talents inconnus évoluant dans les domaines suivants : Art, Audiovisuel, Littérature, Musique, Style & Mode et Sport. En ce temps, notre objectif n’était que de les faire connaître. Leurs talents feraient le reste.

La V2 du site web de Da Promoter Agency (2013)

Aujourd’hui, nous pouvons nous réjouir et nous enorgueillir d’avoir découvert et propulsé, lorsqu’ils étaient peu ou pas encore connus, des jeunes tels que Bboy Salifus (danseur), Mohamed Mbougar Sarr (écrivain), Admow Flow (chanteur), Coumbelle Kane (mannequin), Fabee Diong (styliste), pour ne citer que ceux-là. D’ailleurs, Couture by Fabee inaugurait hier sa nouvelle boutique à Dakar, que je vous invite à découvrir si vous êtes sur place.

Présentation de Fabee Diong, jeune styliste ivoiro-sénégalaise (2012)

Nous traversions les frontières et touchions des personnes à l’autre bout du monde auxquels nous présentions le talent africain. Nous étions fiers de nous. Beaucoup étaient impressionnés par ce qu’ils découvraient, car ils avaient toujours vu des africains affamés, malades, bricoleurs, mais pas talentueux. Nous avions même des ambassadeurs au-delà des mers, tels que Pozzie Mazerati aka Miss Hip Hop, rappeuse, actrice et styliste émérite américaine qui, depuis New York, a voulu, en 2013, encourager nos talents d’Afrique.

Notre erreur

Tout ce que nous faisions était entièrement gratuit. Pas un seul penny n’était demandé à l’un de ces jeunes talents, ni aux sites qui reprenaient nos articles. Nous n’avions pas pensé à la manière dont nous allions gagner de l’argent, aussi appelée le Business Model. Tout ce qui nous importait était de faire connaître nos jeunes talents et faire en sorte qu’ils puissent briller, réaliser leurs rêves, d’où notre fierté en voyant ceux précités réaliser les leurs.

Le Business Model est la manière dont on crée de la valeur, la distribue et capture de la valeur en retour.

Mais il fallait bien payer l’hébergement du site web, sa maintenance, les personnes qui rédigeaient les articles ou réalisaient les interviews, celles qui allaient dénicher de nouveaux talents, les photographes, les monteurs et toutes les autres personnes investies dans cette aventure, sans compter les nouvelles idées que nous entendions implémenter etc.

C’était bien beau d’aider les jeunes, mais fallait-il encore avoir les moyens de le faire. Nous n’avions absolument aucune idée de la manière de s’y prendre pour continuer à faire ce que nous faisions, sans toujours engager nos… enfin, mes propres fonds. Mon père trouvait que j’étais idiot. Je dois dire, avec du recul, que s’il n’avait pas raison, il n’avait pas totalement tort non plus.

Notre succès nous dépassait et nous ne savions pas comment le contrôler. Da Promoter Agency était pourtant née d’un constat simple : les jeunes qui prenaient leur destin en main n’étaient pas soutenus, promus, du coup, on avait l’impression qu’ils donnaient des coups d’épée dans la mer. J’avais moi-même été l’un de ces jeunes en 2011. Et je voulais absolument changer cela.

Des tentatives de solution

Ma première idée, pour résoudre notre problème, a été de facturer notre service. Hélas, un seul des talents a accepté de payer pour ce que nous offrions à l’époque. J’ai dû abandonner cette idée car, non seulement les autres talents disaient ne pas avoir d’argent, ce qui était vrai, du reste, je me suis en outre dit qu’en les faisant payer, nous nous condamnions à les promouvoir, donc, à promouvoir également des gens sans véritable talent. Or, ce n’était pas cela la mission. Nous nous réclamions l’agence d’une jeunesse active; il nous fallait être fidèles à nos principes.

J’ai par la suite pensé aux dons, mais j’ai vite réalisé que si les internautes n’avaient aucun problème à aimer et partager ce que nous faisions, ils n’étaient cependant pas prêts à donner leur argent pour nous soutenir. Seule une dame se trouvant en Italie, que je ne connaissais d’ailleurs pas, a accepté de le faire. Ce sera notre première, seule et dernière donatrice : 500 euros.

J’ai tenté la publicité, comme vous pouvez le voir sur l’image du website plus haut, car nous avions un trafic assez important (notre contenu était de qualité et intéressait vraiment les gens), mais les marques que nous avions contactées nous proposaient des misères. A l’époque, je ne connaissais pas encore AdSense et j’étais le seul de l’équipe à s’y connaître un peu en tech et web.

Je suis enfin allé tester la voie des investisseurs, étant donné que c’était la mode d’aller chercher du financement, mais là encore, ce fut un échec. Pour que des gens investissent dans ce que vous faites, il leur faut la garantie d’un retour sur investissement. Or, nous ne pouvions leur garantir que notre chiffre d’affaire allait tripler chaque 6 mois, ou que nous allions somehow trouver, s’ils nous faisaient confiance, un moyen de générer du revenu. Nous n’avions pour ainsi dire rien à leur proposer, et eux non plus, il faut le dire.

Toutefois, un monsieur acceptera d’investir un peu d’argent (5 millions FCFA), non pas dans la boîte, me révélera-t-il plus tard, mais en moi, à cause de ma ténacité et ma hargne, me dira-t-il. J’apprendrai cependant très vite (et c’était la leçon qu’il me voulait tirer) que c’était une mauvaise idée d’aller à la quête de financement à ce moment-là. Pour preuve, cet argent sera dépensé pour des choses dont nous n’avions pas besoin (local, matériels de bureau etc...) J’en parle plus avant dans cet article.

Une partie de cet argent (350.000 FCFA) ira tout de même dans l’organisation de ce que nous appellerons le DP Talent Show, un événement pour dénicher de nouveaux talents, présenter les nôtres et célébrer nos 1 an d’existence. Cet événement sera un beau succès-échec. Zéro franc de revenus générés.

Avec les participants au DP Talent Show en Octobre 2013

Finalement, déçu, abattu par la fatigue et terrassé par le stress et la maladie (une période assez sombre) je déciderai de tout arrêter afin de tout revoir depuis la base, parce que, premièrement, je réaliserai, après le Talent Show, que j’avais une équipe qui n’avait rien à foutre de la mission, de la vision et des objectifs de l’agence (oui, c’est ma faute, je l’assume); ensuite, je me rendrai à l’évidence que si nous savions où nous voulions aller, nous ne savions ni comment s’y rendre, ni ce que cela allait nous coûter. Le projet n’avait pas été pensé. Je l’avais lancé sans mettre les bases, qui comprennent la Dream Team.

Ne pas avoir pensé à l’aspect business aura failli faire foirer notre pourtant si belle initiative. Même si l’objectif n’est pas de gagner de l’argent, il est impératif de penser au Business Model, car on ne peut écarter l’argent de l’équation. On en a besoin pour survivre en tant qu’organisation.

Aujourd’hui, nous l’avons trouvé notre Business Model; surtout parce que nous ne sommes plus ce que nous étions en 2012 et 2013. Nous ne sommes pas une start-up dans le vrai sens du terme, car nous ne sommes pas une organisation à forte capacité de croissance, mais nous sommes une entreprise qui, désormais, ne se laisse pas juste porter par la passion et la volonté d’aider. Mon père me disait souvent “il faut avoir pour aider”. Mais il ne disait jamais ce qu’il fallait avoir. Etait-ce de l’argent? Etait-ce du coeur? Etait-ce les deux?

Nous avons beaucoup appris et beaucoup mûri dans l’ombre durant ces deux dernières années. Nous sommes prêts pour le retour au devant de la scène. Da Promoter Agency est enfin et définitivement morte. Cela comprend le nom. La mission demeure la même, mais la manière de l’exécuter change. Je prends le temps de bien la mûrir avant de la présenter au monde.

Je partage des astuces, conseils, découvertes et expériences dans une publication que j’ai nommée Ibuka Sharing et que vous trouverez => ici. N’hésitez pas à y faire un tour et/ou inviter les vôtres à s’y rendre.

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Ibuka Ndjoli

Author of 6 books | Founder of @kusomagroup | Passionate about Online Business, Education and Digital Marketing. I share my journey on https://ibukasharing.com